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pugne à ces abstractions et personnifications mythiques. Les rêves populaires prennent toujours un corps, et tous leurs nuages se résolvent en figures humaines. C’est ainsi que la Cendrillon bretonne, Cendrouse, est aussi une fille sage et naïve, à peine un brin coquette, dont une bonne fée réchauffe les stations solitaires sur la lande où elle garde son troupeau, et dont le triomphe a bon cœur, car nous ne trouvons pas trace d’un châtiment autre que celui de son bonheur, infligé à la marâtre persécutrice et aux sœurs jalouses. « Je tâcherai, dit-elle ingénument à la fée, qui lui conseille le pardon, de ne plus les détester, puisque tel est votre désir. » La fée lui donne aussi un carrosse sorti d’une citrouille et attelé d’un chat du foyer qui n’a pas peur d’elle, « parce que jamais elle ne lui a fait du mal, » et que trois coups de baguette transforment en un beau Cheval. Cendrillon se promène donc en carrosse, sûre d’avoir avec sa baguette tout l’argent qu’elle désirera, et, après une épreuve dont triomphe sa bonté et qui montre que la fortune ne l’a rendue ni fière, ni égoïste, ni ingrate, elle épousera un beau monsieur, qui, pour la trouver belle, n’a pas eu besoin de mesurer sa beauté et son amour à la petitesse de sa pantoufle. Ce sont là jeux de prince[1].

Ainsi que nous avons en déjà l’occasion de le remarquer, la féerie a sa zoologie, son ornithologie, sa botanique particulières, c’est-à-dire qu’il est un certain, nombre d’animaux, d’oiseaux, de plantes, plus spécialement consacrés à servir d’intermédiaires et d’instruments aux rapports du fantastique avec le réel, de là fée avec l’homme. Le lion, le loup, le renard, la biche, le cerf la chèvre, le taureau, le crapaud, la grenouille, le lézard, le serpent, la souris, l’aigle, le pigeon, la poule, le corbeau, sont, pour la fée et la féerie, des animaux habituels, favoris, plus aptes que les autres à 1 incarnation et à la métamorphose. Ce sont des animaux fatidiques par excellence.

Nous ne parlons pas de la ménagerie exclusivement fantastique, le dragon, la salamandre, l’hydre, l’hippogriffe, la licorne, la gorgone, la méduse, le phénix, le roc, gardiens des châteaux magiques, compagnons de l’enchanteur solennel et du nain malicieux. De même, à côté de la rose, de l’aubépine, du trèfle, de la verveine, du lotus, chers de tout temps à la magie, nous ne citons

  1. Paul Sébillot, Cendreuse, p. 17s à 181.