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On le voit, et on aura plus d’une fois l’occasion de le remarquer : dans ces traditions et traductions naïves, le fond de l’histoire n’est pas le même, ou plutôt il n’y a qu’un détail, un épisode de l’histoire qui en devient le fond. Il en est de la plupart de ces légendes comme des fragments du miroir brisé, ou plutôt de ces plantes agrestes et alpestres dont le vent emporte aux quatre coins de l’horizon la semence vivace, qui fleurit aux fentes du rocher marin ou sur la poussière, détrempée par la pluie, du toit de la chaumière, en fleurs sauvages, parfois abâtardies, qui n’ont gardé que des restes de la couleur et du parfum originels.

L’histoire et la philosophie du conte de Cendrillon rempliraient presque un petit volume, si on voulait couler à fond ce sujet aussi complexe que sympathique. Il n’est guère de foyer que ne troublent plus ou moins ces inégalités de l’affection paternelle ou maternelle, qui n’ait ses favoris et ses disgraciés, bien que, par une admirable prévision, la Providence ait, pour rétablir l’équilibre, accordé la faveur protectrice, réparatrice, d’une instinctive prédilection maternelle aux enfants qui ont le plus besoin de soins e ! de caresses, à ceux qui les attirent le moins par la beauté du visage ou la santé du corps. Mais enfin c’est une tradition fondée sur l’expérience du cœur humain que celle qui place des enfants heureux et des enfants malheureux, les uns se chauffant au feu clair et les autres grelottant sur les cendres du feu éteint, et cela même aux foyers de palais ; car les rois ne sont exempts d’aucune des erreurs, des fautes et des misères humaines.

Dans les contes de fées de tous les pays, comme dans la vie réelle, dont ils ont pour but de reproduire et de consoler les disgrâces, il y a une Cendrillon. On retrouve cette petite sœur du Petit Poucet, plus naïve et aussi moins malheureuse, car elle n’a pas à se défendre de l’abandon, mais seulement de l’injustice de ses parents, et appartient plutôt à la bourgeoisie qu’au peuple, dans le Pentamerone napolitain ; on lui connaît un vêtement hongrois, norvégien, serbe, catalan, etc. L’auteur anonyme de la Vie de Perrault et du commentaire abondant, curieux, piquant et d’une érudition cosmopolite qui a joutent tant à la valeur de l’édition Hetzel, sans parler des ingénieuses illustrations de Gustave Doré, et que nous avons le devoir de citer avec une gratitude particulière, car nous lui avons emprunté plus d’une indication, cite tout au long la version allemande, qu’il n’est pas sans intérêt de comparer avec