VII.
C’est Paul de Saint-Victor qui a le mieux vu, avec Charles Giraud, tout ce qu’il y a à voir dans les contes de fées, et c’est lui qui l’a le mieux dit. Il faut toujours en revenir à lui sur ce sujet qu’il a traité avec la plus heureuse prédilection, et jalonner notre route en lui empruntant quelque brillant passage qui marque, comme un drapeau de pourpre brodé d’or, nos transitions, nos étapes, d’une idée à une autre. Il a très bien signalé deux choses, à l’honneur de la perspicacité de Perrault, et à l’honneur de son œuvre : c’est d’abord la juste et habile proportion avec laquelle il a fait entrer dans sa composition moderne les éléments anciens de la tradition féerique : ensuite l’heureux effet de lointain que deux siècles ont assuré à cette œuvre devenue aujourd’hui archaïque, comme les jardins et le palais de Versailles : d où une concordance, une harmonie dans les détails, une poésie sur l’ensemble, qui sont uniques.
« La couleur du dix-septième siècle, empreinte sur ces légendes immémoriales, n’est plus aujourd’hui un anachronisme, mais une harmonie. N’est-il pas déjà un temps de féerie, ce siècle royal où tout un peuple de courtisans vivait enchanté dans le cercle de l’étiquette, au milieu des statues et des jets d’eau d’un jardin magique ? La trompe des chasses de Marly et de Rambouillet sonne d’aussi loin à nos oreilles que le cor d’Artus dans la forêt de Brocéliande. Les lourds carrosses qui transportaient processionnellement cette cour pompeuse de palais en palais et de fête en fête ont une tournure aussi étrange que les dragons volants et les citrouilles attelées de souris. Les rondes des fées et les menuets des duchesses se dessinent dans le même lointain brumeux et bleuâtre. Ainsi les histoires de la chevalerie étaient déjà bien vieilles lorsque les tisseurs de la Flandre les déroulaient sur leurs tapisseries de haute lice. Aujourd’hui, l’étoffe séculaire semble contemporaine du roman brodé sur sa trame. Sa vieillesse, mêlée à son antiquité, ne fait plus qu’une avec elle. »
Si Perrault eut l’art d’habiller les légendes et les traditionnelles figures de la féerie, il eut aussi l’art de ne pas chercher à en inventer de nouvelles, et de ne pas s’en fier à lui d’une création hasardeuse, trouvant avec raison, comme plus tard Voltaire, qu’il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que personne, c’est tout le