leur faire aimer, et si cela peut se dire, de les leur faire avaler, en les enveloppant dans des récits agréables et proportionnés à la faiblesse de leur âge ? Il n’est pas croyable avec quelle avidité les âmes innocentes, et dont rien n’a encore corrompu la droiture naturelle, reçoivent ces instructions cachées ; on les voit dans la tristesse et dans rabattement, tant que le héros ou l’héroïne du conte sont dans le malheur, et s’écrier de joie quand le temps de leur bonheur arrive, de même qu’après avoir souffert impatiemment la prospérité du méchant ou de la méchante, ils sont ravis de les voir enfin punis comme ils le méritent. Ce sont des semences qu’on jette, qui ne produisent d’abord que des mouvements de joie et de tristesse, mais dont il ne manque guère d’éclore de bonnes inclinations. »
Si nous avons tant insisté, après Perrault, sur cette inspiration morale, cette leçon salutaire, cette destination pédagogique dès contes de fées, ce n’est pas pour nous excuser de les étudier comme il se justifie de les avoir écrits. C’est pour faire comprendre au lecteur que, dans ces contes, la simplicité des moyens égale la probité du but, que leur fable comporte peu de personnages, et que le dénombrement de la famille fantastique dont tous les membres concourent au nœud de l’action et à l’effet de la leçon est bientôt fait. Cette famille typique, que nous voulons étudier en détail, se compose d’abord de la fée qui préside, suivant une tradition uniforme, à la naissance du héros ou de l’héroïne, et les doue, selon les cas, de dons heureux ou de destinées funestes ; de ce héros et de cette héroïne, dont les inclinations sont traversées et la vertu mise à l’épreuve par un sort malin, œuvre de quelque fée méchante, de quelque nain jaloux ou de quelque géant persécuteur ; de l’ogre avide de chair fraîche ; de l’animal parlant, car la fable de la Fontaine et le conte de Perrault n’admettent guère d’animaux muets, et chez eux les bêtes parlent comme les gens : soit loup affamé, prêt à croquer le Petit Chaperon rouge en école buissonnière ; soit oiseau sous les plumes duquel bat le cœur d’un prince enchanté ; soit chat ingénieux et narquois, qui fera, par ses artifices, du fils du meunier un marquis de Carabas.
Les fées de Perrault ne sont pas celles du moyen âge et de la renaissance. Ce sont des fées Louis XIV, qui portent le costume et qui parlent le langage du grand siècle. Si elles se présentent parfois sous les rides de la vieillesse et les haillons de la pauvreté, c’est qu’elles se sont déguisées dans l’intérêt de l’épreuve, de la punition ou de la récompense ; le plus souvent elles sont vêtues en