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« défaut que de devenir injuste à l’égard d’un de ses sujets, « en lui ravissant l’héritage de ses pères, sur lequel le roi « n’avait d’autre droit que celui de la force. »

— Tout ce que je vois me confond, dit Violent ; j’avoue que je n’avais pas même l’idée des vertus héroïques qui font les grands hommes. Oui, Tity, cette muraille fera l’ornement de votre parc, et la belle action que vous ferez en l’élevant sera l’honneur de votre vie. Mais, Madame, d’où vient que Tity se porte si naturellement aux grandes vertus, dont je n’ai pas même l’idée ? — Grand roi, lui répondit la fée, Tity, élevé par des parents qui ne pouvaient le souffrir, a toujours été contredit depuis qu’il est au monde ; il s’est accoutumé à soumettre sa volonté à celle d’autrui, pour toutes les choses indifférentes. Comme il n’avait aucun pouvoir dans le royaume pendant la vie de son père, qu’il ne pouvait accorder aucune grâce, et qu’on savait que le roi avait envie de le déshériter, les flatteurs n’ont pas daigné le gâter, parce qu’ils croyaient n’avoir rien à craindre ni à espérer de lui : ils l’ont abandonné aux honnêtes gens que le seul devoir attachait à sa personne, et, en leur compagnie, il a appris qu’un roi, qui est maître absolu pour faire le bien, doit avoir les mains liées lorsqu’il est question de faire le mat ; qu’il commande à des hommes libres et non à des esclaves ; que les peuples ne se sont soumis à leurs égaux, en leur décernant la couronne, que pour se donner des pères, pour donner des protecteurs aux lois, un refuge aux pauvres et aux opprimés. Vous n’avez jamais entendu ces grandes vérités. Devenu roi dès l’âge de douze ans, les gouverneurs à qui l’on a confié votre éducation n’ont songé qu’à faire leur fortune en gagnant vos bonnes grâces ; ils ont appelé votre