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fois que j’en trouverai l’occasion ; car on ne peut rendre un plus grand service à ses amis que de les avertir dès qu’on croit qu’ils font mal. — Il ne faudrait pas vous y fier, répondit Violent, il y a des moments où je ne recevrais pas volontiers de tels avis. — Avouez, mon prince, lui dit la vieille, que vous n’êtes pas loin d’un de ces moments, et que vous donneriez quelque chose de bon pour avoir la liberté de m’envoyer promener tout à votre aise. Voilà nos héros ! ils seraient au désespoir qu’on leur reprochât d’avoir fui devant un ennemi et de lui avoir cédé la victoire sans combat, et ils avouent de sang-froid qu’ils n’ont pas le courage de résister à leur colère, comme s’il n’était pas plus honteux de céder lâchement à une passion qu’à un ennemi qu’il n’est pas toujours en notre pouvoir de vaincre. Mais changeons de discours, car celui-ci ne vous est pas agréable. Permettez que je fasse entrer mes pages, qui ont quelques présents à faire à la compagnie. »

Dans le moment la vieille frappa sur la table, et l’on vit entrer par les quatre fenêtres de la salle quatre enfants ailés qui étaient les plus beaux du monde ; ils portaient chacun une corbeille pleine de divers bijoux d’une richesse étonnante. Le roi Violent, ayant en même temps jeté les yeux sur la vieille, fut surpris de la voir changée en une dame si belle et si richement parée, qu’elle éblouissait les yeux. « Ah ! Madame, dit-il à la fée, je vous reconnais pour la marchande de nèfles et de noisettes qui me mit si fort en colère. Pardonnez au peu d’égards que j’ai eus pour vous, je n’avais pas l’honneur de vous connaître. — Cela doit vous faire voir qu’il ne faut jamais manquer d’égards à personne, reprit la fée. Mais, mon prince, afin de vous montrer que je n’ai point