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disait-il, pour faire violence à mes sujets ; et, après tout, chacun doit être maître de son petit héritage. » Cependant Violent étant arrivé sur la frontière, les deux cours se réunirent ; elles étaient fort brillantes. Violent avait amené avec lui sa fille unique, qu’on nommait Élise, qui était la plus belle fille du monde depuis que Biby était mariée ; elle était aussi d’un heureux caractère ; Tity avait avec lui sa femme et une de ses cousines, qu’on nommait Blanche, et qui, outre qu’elle était belle et vertueuse, avait encore beaucoup d’esprit. Comme on était, pour ainsi dire, à la campagne, les deux rois décidèrent qu’on vivrait en liberté, et qu’on permettrait à plusieurs dames et seigneurs de souper avec les deux rois et les princesses. Afin de s’affranchir du cérémonial, on dit qu’on n’appellerait point les rois Votre Majesté, et que ceux qui le feraient payeraient une guinée d’amende.

Il y avait un quart d’heure qu’on était à table, lorsqu’on vit entrer une petite vieille assez mal habillée. Tity et l’Éveillé, qui la reconnurent, allèrent au-devant d’elle ; mais, sur un coup d’œil qu’elle leur jeta, ils pensèrent qu’elle ne voulait pas être connue. Ils dirent donc au roi Violent et aux princesses qu’ils leur demandaient la permission de leur présenter une de leurs bonnes amies, qui venait demander à souper. La vieille se plaça sans façon dans un fauteuil qui était auprès de Violent, et que personne n’avait osé prendre par respect. Elle dit à ce prince : « Comme les amis de nos amis sont nos amis, vous trouverez bon que j’en use librement avec vous. » Violent, qui était un peu hautain de son naturel, fut déconcerté de la familiarité de cette vieille ; mais il n’en fit pas semblant. On avait averti la bonne femme qu’on payerait une amende toutes les fois qu’on dirait Votre