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ainsi je vous prie de m’envoyer chez ma tante, qui demeure loin d’ici. » Son père la fit partir le même jour, et le prince fut si chagrin de l’avoir perdue, qu’il en tomba malade. Abor lui dit : « Mon prince, je suis désolé de vous chagriner ; mais puisque vous aimez ma fille, vous ne voudriez pas la rendre malheureuse : vous savez bien qu’on méprise, comme la boue des rues, une fille qui reçoit les visites d’un homme qui l’aime et qui ne peut pas l’épouser. — Écoutez, Abor, dit le prince : j’aimerais mieux mourir que de manquer de respect à mon père, en me mariant sans sa permission ; mais promettez-moi de me garder votre fille, et je vous promets de l’épouser quand je serai roi. Je consens à ne point la voir jusqu’à ce temps-là. »

En même temps la fée parut dans la chambre, et surprit beaucoup le prince, car il ne l’avait jamais vue sous cette figure. « Je suis la vieille que vous avez secourue, dit-elle à Tity, et vous êtes si honnête homme, et Biby est si sage, que je vous prends tous deux sous ma protection. Vous l’épouserez dans deux ans, mais jusque-là vous aurez bien des traverses ; au reste, je vous promets de vous rendre une visite tous les mois, et je mènerai Biby avec moi. » Le prince fut enchanté de cette promesse, et résolut d’acquérir beaucoup de gloire pour plaire à Biby. Le roi Violent vint lui offrir la bataille ; Tity non seulement la gagna, mais encore Violent fut fait prisonnier. On conseilla à Tity de lui ôter son royaume ; mais il dit : « Je n’en veux rien faire : les sujets, qui aiment toujours mieux leur roi qu’un étranger, se révolteraient et lui rendraient la couronne. Violent n’oublierait jamais sa prison, et ce serait une guerre continuelle qui rendrait deux peuples malheureux. Je veux, au contraire, ren-