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et vous faire mourir. — Je vous ai bien de l’obligation, lui dit la vieille ; mais je ne crains pas la méchanceté de la reine. » En même temps, quittant la forme d’une vieille, elle parut à l’Éveillé sous sa figure naturelle, et il fut ébloui de sa beauté. Il voulut se jeter à ses pieds ; elle l’en empêcha, et lui dit : « Je vous défends de dire au prince, ni à personne au monde, ce que vous venez de voir. Je veux récompenser votre charité : demandez-moi un don. — Madame, lui dit l’Éveillé, j’aime beaucoup le prince mon maître, je souhaite de tout mon cœur lui être utile : ainsi je vous demande d’être invisible quand je voudrai, afin de pouvoir connaître quels sont les courtisans qui aiment véritablement mon prince. — Je vous accorde ce don, reprit la fée ; mais il faut que je paye les dettes de Tity. N’a-t-il pas emprunté quatre guinées à votre père ? — Il les a rendues, reprit l’Éveillé : il sait bien qu’il est honteux aux princes de ne pas payer leurs dettes ; ainsi il m’a remis les quatre guinées que la reine lui a envoyées. — Je sais cela, dit la fée ; mais je sais aussi que le prince a été au désespoir de ne pouvoir vous rendre davantage, car un prince doit récompenser noblement, et c’est cette dette que je veux payer. Prenez cette bourse, qui est pleine d’or, portez-la à votre père ; il y trouvera toujours la même somme, pourvu qu’il n’y puise que pour faire de bonnes actions. » En même temps la fée disparut, et l’Éveillé alla porter cette bourse à son père, auquel il recommanda le secret.

Cependant les juges que la reine avait assemblés pour condamner la vieille étaient fort embarrassés ; ils dirent à cette princesse : « Comment voulez-vous que nous condamnions cette femme ? Elle n’a point trompé Votre Ma-