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mieux laisser gâter ses bonbons que d’en donner à personne. Il enfermait ses jouets, de crainte de les user, et quand il tenait quelque chose dans sa main, il le serrait si fort, qu’on ne pouvait le lui arracher, même quand il dormait. Le roi et sa femme étaient fous de cet enfant, parce qu’il leur ressemblait. Les princes devinrent grands, et, de peur que Tity ne dépensât son argent, on ne lui donnait pas un sou. Un jour que Tity était à la chasse, un de ses écuyers, qui courait à cheval, passa auprès d’une bonne vieille et la jeta dans la boue : la vieille criait qu’elle avait la jambe cassée, mais l’écuyer ne faisait qu’en rire. Tity, qui avait un bon cœur, gronda son écuyer, et, s’approchant de la vieille avec l’Éveillé, qui était son page favori, il l’aida à se relever ; l’ayant prise chacun par un bras, ils la conduisirent dans une petite cabane, où elle demeurait. Le prince alors fut au désespoir de n’avoir point d’argent à donner à cette femme. « À quoi me sert-il d’être prince, disait-il, puisque je n’ai pas la liberté de faire du bien ? Il n’y a de plaisir à être grand seigneur que parce qu’on a le pouvoir de soulager les malheureux. » L’Éveillé, qui entendit le prince parler ainsi, lui dit : « J’ai un écu pour toute richesse ; il est à votre service. — Je vous récompenserai quand je serai roi, dit Tity ; j’accepte votre écu pour le donner à cette pauvre femme. »

Tity étant retourné à la cour, la reine le gronda de ce qu’il avait aidé cette femme à se relever. « Le grand malheur quand cette vieille serait morte ! dit-elle à son fils (car les avares sont impitoyables) : il fait beau voir un prince s’abaisser jusqu’à secourir une misérable pauvresse ! — Madame, lui dit Tity, je croyais que les princes n’étaient ja-