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tieux, de ces monstres malins de la féerie, superstition païenne aux yeux de l’Église, c’est ainsi que s’explique ce tableau ressemblant de la veillée au château, où Voltaire lui-même a montré l’aumônier, le chapelain, se mêlant, sans rien perdre de sa dignité, comme auditeur et même comme conteur à ces récits de féerie :

Ô l’heureux temps que celui de ces fables
Des bons démons, des esprits familiers,
Des farfadets aux mortels secourables !
On écoutait tous ces faits admirables
Dans son château, près d’un large foyer.
Le père et l’oncle, et la mère et la fille,
Et les voisins et toute la famille,
Ouvraient l’oreille à monsieur l’aumônier
Qui leur faisait des contes de sorcier.
On a banni les démons et les fées ;
Sous la raison les grâces étouffées
Livrent nos cœurs à l’insipidité ;
Le raisonner tristement s’accrédite ;
On court, hélas ! après la vérité.
Ah ! croyez-moi, l’erreur a son mérite.

Avant de passer de l’histoire et de la philosophie générales des contes de fées à leur histoire et à leur philosophie particulières, en prenant un à un chacun des types immortalisés par Perrault, nous ne saurions mieux faire que d’insister sur ce double attrait pour l’imagination et le sentiment, pour le cœur et l’esprit, de ces récits féeriques, admis par les plus sévères pédagogues à participer à la récréation et à l’éducation de l’enfance, au double titre de chefs-d’œuvre littéraires et d’irréprochables exemples moraux. Cet attrait moral des contes de fées a été expliqué et glorifié avant nous par un savant professeur, un grave écrivain, qui n’a pas craint de compromettre sa réputation ni son autorité en écrivant aussi ses Contes Bleus, le meilleur essai de ce genre depuis ce Trilby, cette Fée aux miettes, et ce Chien de Brisguet, qui ont fait de Charles Nodier, par rapport à Perrault, ce que Florian est à la Fontaine.

« Non, a dit dans sa préface M. F. Laboulaye, les contes de fées ne sont point un mensonge et l’enfant ne s’y trompe pas. Les contes sont l’idéal, quelque chose de plus vrai que la vérité du