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magination. Il faut y ajouter une satisfaction de conscience et de sentiment. Tout conte de fées a, en effet sa moralité et cette moralité, cette leçon, cet exemple, plus ou moins directs, plus ou moins décisifs, le plus souvent assaisonnés d’une pointe de malice et même d’ironie, comme il faut s’y attendre pour ces récits traditionnels, aiguisés, de siècle en siècle, sur l’observation et l’expérience, sont cependant irréprochables au point de vue moral. Le crime y est toujours puni, la vertu toujours récompensée ; la pauvreté n’y est point méprisée, parce qu’elle est un malheur et point un vice, et que toujours, grâce à son travail et à son industrie, le pauvre du début peut devenir le riche de la fin ; la laideur elle-même y est réhabilitée, parce que le visage disgracié qui cache une belle âme, et peut s’éclairer de bonté ou s’animer d’esprit, est toujours beau, dans ces moments-là, et d’une beauté au-dessus des défaillances de la nature ou des outrages du temps. Lu fée n’y est qu’une sorte de figure familière de la Providence, veillant sur les bons opprimés et rétablissant tôt ou tard les choses humaines, comme les choses naturelles, de façon à ne pas permettre au triomphe insolent du méchant ou du mal de calomnier jusqu’au bout le gouvernement divin qui mène les hommes, tandis qu’ils s’agitent.

C’est cette moralité irréprochable des contes de fées qui explique leur attrait non seulement pour les esprits avides de merveilleux, mais encore pour les cœurs généreux, affamés de justice, comme l’enfance en fournit partout, sous la bure comme sous la soie, sous le chaume comme sous les lambris dorés. De là aussi, pour cette littérature profane, et en somme frivole, essentiellement populaire et puérile, l’indulgence traditionnelle des moralistes, et même des moralistes chrétiens, qui l’ont admise à l’honneur, mérité dans une certaine mesure, de participer à l’œuvre de l’éducation.

M. Ch. Giraud a remarqué qu’au moyen âge « la piété, simple alors et naïve, ne s’alarma point de compositions où Je paganisme et la foi chrétienne avaient confondu leurs croyances. Les hagiographes s’emparèrent eux-mêmes de ce puissant moyen d’émotion pour édifier les fidèles, et ils mirent les saints aux prises avec le diable, avec les magiciens et les fées. »

Le saint devant sortir toujours victorieux de l’épreuve de ce combat contre les tentations ou les persécutions de ces esprits cap-