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pour cette pauvre Bête. « Hélas ! disait-elle, c’est bien dommage qu’elle soit laide, elle est si bonne ! »

La Belle passa trois mois dans ce palais avec assez de tranquillité. Tous les soirs, la Bête lui rendait visite, l’entretenait pendant le souper avec assez de bon sens, mais jamais avec ce qu’on appelle esprit dans le monde.

Chaque jour, la Belle découvrait de nouvelles bontés dans ce monstre ; l’habitude de le voir l’avait accoutumée à sa laideur, et, loin de craindre le moment de sa visite, elle regardait souvent à sa montre pour voir s’il était bientôt neuf heures, car la Bête ne manquait jamais de venir à cette heure-là.

Il n’y avait qu’une chose qui faisait de la peine à la Belle, c’est que le monstre, avant de se coucher, lui demandait toujours si elle voulait être sa femme, et paraissait pénétré de douleur lorsqu’elle lui disait que non. Elle lui dit un jour : « Vous me chagrinez, la Bête ; je voudrais pouvoir vous épouser, mais je suis trop sincère pour vous faire croire que cela arrivera jamais ; je serai toujours votre amie, tâchez de vous contenter de cela. — Il le faut bien, reprit la Bête ; je me rends justice, je sais que je suis bien horrible ; mais je vous aime beaucoup. Cependant je suis trop heureux de ce que vous voulez bien rester ici ; promettez-moi que vous ne me quitterez jamais. » La Belle rougit à ces paroles ; elle avait vu, dans son miroir, que son père était malade du chagrin de l’avoir perdue, et elle souhaitait de le revoir. « Je pourrais bien vous promettre, dit-elle à la Bête, de ne vous jamais quitter tout à fait, mais j’ai tant d’envie de revoir mon père, que je mourrai de douleur si vous me refusez ce plaisir. — J’aime mieux mourir moi-même, dit le