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décadence, à n’être plus que le personnage favori, familier comme un dieu tombé, des contes de grand mère et de nourrice que Perrault entendit, aux veillées de la chaumière et du château, en observateur curieux, après les avoir entendus, durant son enfance, en auditeur naïf et charmé, pour les reproduire en traductions, en imitations égales à une création, ou récits dignes du nom de chefs-d’œuvre. Ces chefs-d’œuvre ont inauguré chez nous un genre littéraire qui a vécu deux siècles, qui dure encore.

Il n’est donc pas sans intérêt de se poser, pour y répondre, les questions suivantes : ce conte de fées, élevé par Perrault à la dignité d’un genre littéraire, où avait-il pris ses héros, son action, les dénouements de son petit drame ? Quelles furent les sources d’imitation, d’emprunt ? Quel fut le plus puissant élément du succès de ce genre inauguré par Perrault, quelle fut la raison morale de l’empire, sur les imaginations populaires et enfantines, de ce personnage charmant ou terrible, la fée, dont nous venons d’étudier la filiation historique et étymologique, et les transformations successives ? En un mot, c’est la question des fées et de la féerie envisagée non plus au point de vue historique et philologique, mais au point de vue littéraire et philosophique, qu’il s’agit de résoudre.

Nous avons déjà effleuré le premier de ces aspects de la question, puisque nous avons conduit l’examen des sources de la littérature féerique jusqu’au Pentamerone, son répertoire principal au seizième et au dix-septième siècle.

Qu’était-ce que ce Pentamerone, recueil par excellence des traditions et des légendes de la féerie au seizième siècle, et dont il nous semble difficile, contrairement à l’opinion de M. Ch. Giraud, que Perrault n’ait pas eu directement connaissance, puisqu’il fut publié en 1637, et qu’on y trouve Cendrillon et le Chat botté ? C’est encore à l’auteur de la Lettre critique sur les contes de fées que nous emprunterons le signalement et l’analyse de ce répertoire fécond de la littérature féerique italienne.

« Un des recueils les plus curieux que l’on possède en ce genre est intitulé : il Pentamerone dei cavalière Gioran Basile, overo lo Cunto de li cunti, trattemiento de li peccerille, di Gian Alexio Abbatutis, (c’est-à-dire : le Pentameron, ou les Cinq Journées du cavalier Jean-Baptiste Basile ; autrement le Conte des contes, composé pour la récréation des enfants, par