Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/491

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doyenne, et la loua beaucoup de son zèle ; mais comme il fallait un exemple, sans s’écarter de la loi générale, elle condamna les plus mutins des rebelles à être cent ans marionnettes, et les obligea de servir, dans les différents royaumes de l’univers, de gagne-pain aux Briochés et de spectacle au peuple. Elle se laissa d’autant plus aller à cette rigueur, qu’elle apprit que ses six protégés avaient eu peu de part à la rébellion. Charmée du changement qui commençait à se faire en eux, elle les fit venir devant elle, et, s’adressant à leurs bouts de nez (car elle n’en pouvait voir davantage), elle leur fit une réprimande plus douce que sévère, et les renvoya en leur promettant son amitié et des récompenses, si dans la suite elle avait lieu d’être satisfaite.

Quoique cet événement et son devoir ne lui permissent pas de s’absenter d’un lieu où sa personne semblait si nécessaire, elle ne put cependant résister longtemps à l’intérêt qu’elle sentait pour Cadichon, et à l’impatience qu’elle avait d’en apprendre des nouvelles ; aussi, dès qu’elle se crut moins utile à son petit peuple, elle partit promptement, dans le dessein de satisfaire sa curiosité et sa tendresse pour le jeune prince.

Pour n’être point aperçue des génies et des fées qui parcourent continuellement la moyenne région de l’air, elle prit sa petite chaise de poste, qu’elle ferma exactement de tous les côtés ; elle se munit des ustensiles de la féerie, et n’oublia pas surtout de l’eau d’invisibilité ; puis, ayant ordonné à ses six lézards volants d’aller grand train, elle arriva en quelques minutes assez près de l’île inaccessible. Là elle mit pied à terre, fit disparaître sa voiture, et, s’étant frottée de l’eau dont on vient de parler, elle fran-