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hommes, elle cessaient d’être immortelles, soit par suite de leur baptême, comme la fée de Crehen et ses parents, soit simplement parce qu’elles vivaient parmi les hommes. Elles avaient des enfants ; quelquefois aussi elles enlevaient ceux des hommes et mettaient a leur place dans le berceau des enfants à l’air vieux qui ne grandissaient point, ou elles emmenaient dans leurs grottes des jeunes filles qui y restaient plusieurs années.

« Elles se livraient à des occupations semblables à celles des hommes. On les entendait bercer des enfants, boulanger pour mettre du pain au four. Elles lavaient leur lessive, et étendaient sur l’herbe du linge qui était si blanc qu’on dit encore en proverbe, en parlant du beau linge : « c’est comme le linge de fées » ou : « Blanc comme le linge des fées. » Elles allaient à la pêche. Parfois elles possédaient des animaux domestiques : des vaches qui étaient quelquefois invisibles pour tout le monde, excepté pour la pâtoure qui les gardait ; des bœufs. Leurs moutons venaient pâturer avec ceux des fermiers ; parfois ils étaient noirs et de grande taille. Celles de Saint-Briac avaient des chevaux, d’autres des oies, des chats, des poules généralement noires. Elles empruntaient les animaux de leurs voisins les hommes, ou bien les leur achetaient ; mais certaines trouvaient plus simple de les prendre. D’autres volaient ce qui était à leur convenance ; et, seules, les personnes qui avaient eu le tour des yeux frottés avec leur pommade pouvaient les voir. Elles disaient aussi la bonne aventure.

« Cependant les fées, — à part de rares exceptions, et celles-là, on les nommait les mauvaises fées, tandis que les autres s’appelaient les bonnes dames ou les bonnes mères, — se plaisaient à rendre service aux hommes ; et presque jamais elles ne demandaient de récompense. Elles filaient le lin des jeunes filles ; elles donnaient aux hommes des remèdes qui les guérissaient, ou une graisse qui, à la place des animaux disparus, en faisait revenir de plus beaux.

« Si les hommes qui travaillaient dans les champs leur demandaient poliment de la galette ou du pain, elles leur en offraient ; mais si on leur parlait sans égards, elles y mettaient du poil de chien. Leur présent le plus habituel était celui d’un chanteau de pain qui restait toujours frais et ne diminuait pas, si on avait le soin de n’en donner à personne. Ce don était fait, par pure bienveillance ou en récompense d’un service rendu, ou pour indemniser les fermiers des dégâts causés par les bestiaux des bonnes dames. Parmi les autres présents qui figurent dans les légendes des houles, on peut encore citer l’ajonc qu’on avait beau couper, et qui ne diminuait point, la poule noire, qui enrichissait ceux qui la possédaient ; les paquets de vêtements, l’hameçon qui porte chance, la bourse inépuisable.

« Souvent les fées demandaient à être marraines des enfants des hommes. Elles faisaient des présents à leurs filleuls, mais si on leur refusait d’être marraines, elles se vengeaient ; quelquefois, mais plus rarement, c’étaient elles qui faisaient nommer leurs enfants par des jeunes filles.