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tout à fait abandonnée, lorsqu’on apprit que le roi des Îles-Vertes, qui parcourait les royaumes voisins, devait arriver incessamment dans celui-ci.

À cette nouvelle, on reprit courage. La reine redevint si gaie et si enjouée, qu’elle ne fit que chanter et danser, en attendant le prince.

Ce moment fortuné arriva ; elle courut au-devant de lui ; et, quoiqu’on lui eût représenté que le cérémonial ne le permettait pas, elle voulut absolument aller le recevoir au bas de son escalier ; mais en le descendant avec précipitation, elle s’embarrassa les pieds dans sa robe, qu’elle avait fait détrousser, et tomba assez rudement ; quoique ses mains eussent garanti sa tête et qu’elle n’eût que le nez légèrement écorché, sa frayeur fut si grande, qu’elle poussa les hauts cris ; on la porta dans sa chambre, on lui bassina le visage avec de l’eau de la reine de Hongrie, et on parvint à l’apaiser en lui disant que son petit mari demandait à la voir.

Le prince parut, en effet ; mais la vue d’un objet si ridicule lui fit faire de si violents éclats de rire, qu’il fut obligé de sortir de la chambre, et même du palais.

La reine, qui le vit partir, se mit à crier de toutes ses forces qu’elle voulait son petit mari ; on courut après lui, on le pressa de revenir, tout cela fut inutile ; il n’y voulut jamais consentir, et s’éloigna promptement d’une cour où tout le monde lui parut être insensé.

La reine, qui apprit son départ, en fut inconsolable ; on essaya en vain tous les moyens de la calmer ; sa mauvaise humeur n’en devint que plus insupportable, et le joug parut trop dur à ceux même qui lui étaient le plus attachés ; les autres, honteux d’être sujets d’une telle reine, furent d’avis