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à son nain de fermer les portes et les fenêtres ; puis ayant tiré de sa boîte un livre de vélin, garni de grands fermoirs d’argent, une baguette composée de trois métaux, et une fiole qui renfermait une liqueur verdâtre et fort claire, elle fit asseoir la reine sur un carreau au milieu de la chambre, et commanda au nain de se placer debout vis-à-vis de Sa Majesté ; ensuite ayant tracé autour d’eux trois cercles en spirale, elle lut dans son livre, les toucha trois fois de sa baguette et jeta sur eux de la liqueur dont on vient de parler.

Alors les traits du visage de la reine se mirent à diminuer peu à peu, et la taille du petit nain à croître à proportion ; de sorte qu’en moins de trois minutes ils changèrent de figure sans sentir le moindre mal. Quoique la reine se fût armée de courage, elle ne put voir, sans quelque crainte, la croissance du nain ; mais les flammes bleuâtres qui s’élevèrent tout à coup des trois cercles augmentèrent tellement sa frayeur, qu’elle s’évanouit ; alors la fée, ayant fini son enchantement, ouvrit une fenêtre, et disparut avec son page, qui, tout grand qu’il était devenu, reprit la robe de sa maîtresse et la boîte de laque de la Chine.

La première chose que fit la reine, après avoir repris ses sens, fut de se présenter devant son miroir. Elle y vit, avec un plaisir extrême, que ses traits étaient charmants ; mais elle ne remarqua pas que ces traits étaient ceux d’une jolie petite fille de huit à neuf ans ; que sa coiffure avait pris la forme d’un toquet garni de longues boucles de cheveux blonds, et que son habit était changé en corps de robe avec les manches pendantes et le tablier de dentelles : tout cela, joint à sa grande taille, dont le charme n’avait rien diminué, produisait quelque chose de fort bizarre ; cependant elle n’en