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grand cent, puis il soupait en public avec la reine, et à dix heures tout le monde était couché.

Gillette, de son coté, s’occupait aux affaires domestiques ; elle filait avec ses femmes, et faisait, avec le lait de ses vaches et de ses chèvres, des fromages excellents ; elle ne manquait pas surtout de pétrir tous les matins un petit gâteau de farine d’orge qu’elle faisait cuire sous la cendre, et elle le portait aussitôt, avec un fromage à la crème, dans son petit jardin, au pied d’un rosier, ainsi qu’il lui avait été ordonné dans un songe le lendemain de ses noces.

La tranquillité dont ils jouissaient l’un et l’autre dans leur petit royaume n’était troublée que par le désir d’avoir des enfants. Le roi avait consulté, mais en vain, les médecins, les charlatans et les devineresses ; à l’égard des fées, il était trop piqué contre elles pour y avoir recours. Gillette, au contraire, avait en leur pouvoir une confiance parfaite ; mais elle n’osait la faire connaître, dans la crainte de déplaire à son époux. Malgré cela, Gangan, peu satisfaite de l’exhérédation de Pétaud, s’était encore vengée sur cette pauvre reine, en la condamnant à être tout à la fois stérile et féconde.

Il y avait déjà deux ans que Gillette était mariée, sans qu’elle eût eu la moindre apparence de grossesse ; et Pétaud commençait à désespérer d’avoir des enfants, lorsqu’un jour la sage-femme de son royaume, qui était première dame d’honneur de la reine, vint lui annoncer que Sa Majesté était grosse. À cette nouvelle, transporté de joie, il l’embrassa de tout son cœur, et, tirant de son doigt une belle bague composée d’un œil-de-chat, il lui en fit présent. Il ne s’en tint pas là, car il donna le soir un grand souper à tous