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fut pas fâchée d’être débarrassée d’un fils qui, malgré son peu d’esprit, aurait pu traverser ses projets et le désir qu’elle avait de régner.

Pétaud n’était ni ambitieux, ni conquérant ; ainsi il ne tarda pas à s’accoutumer dans son petit État et même à s’y trouver fort bien ; tout petit qu’il était, il y régnait comme s’il eut été grand : à le bien prendre, c’en était autant qu’il lui en fallait, et les titres de roi et de Majesté lui tenaient lieu d’un grand royaume. Mais comme les esprits les plus bornés ont toujours leur portion de vanité, il se piqua bientôt d’imiter le roi son père, et créa un sénéchal, un procureur fiscal et un receveur (car on ne connaissait alors ni chancelier, ni parlements, ni fermes générales ; les rois rendaient la justice eux-mêmes, et recevaient tout simplement leurs revenus). Il fit aussi battre monnaie et composa, avec son sénéchal, des ordonnances pour la police de son petit État : son beau-père fut celui qu’il décora de cette dignité de sénéchal. Il se nommait Caboche ; c’était un homme franc, sincère et équitable ; il avait reçu de la nature sa part d’imagination en sens commun ; aussi décidait-il lentement, mais presque toujours juste : il savait par cœur les quatrains de Pibrac et aimait à les réciter. Cette petite fortune ne le rendit pas plus vain, car il continua de faire valoir les fermes comme auparavant ; ce qui lui gagna tellement la confiance de son gendre, que Sa Majesté ne pouvait plus se passer de lui.

Tous les matins, Caboche allait chez le roi, avec qui il déjeunait ; ensuite on parlait d’affaires ; mais le plus souvent ce ministre lui disait :

« Sire, avec votre permission, vous n’y entendez rien ;