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ce qui faisait qu’elle parlait peu, et souvent par sentences ; elle avait pour le roi la soumission et les déférences que l’on a ordinairement pour un mari de qui on tient sa fortune.

Comme Pétaud était le seul enfant que le roi son père et la reine sa mère eussent eu de leur mariage, ils avaient résolu, au moment de sa naissance, de lui faire épouser une petite princesse, nièce d’une vieille fée nommée Gangan, qui était pour lors l’amie intime des père et mère de Pétaud. Il est vrai que la princesse n’était pas encore venue au monde ; mais sur la parole et les assurances de Gangan, qu’elle serait un jour une personne accomplie, on promit tout ce qu’elle voulut, et on s’engagea même par serment à ne se point dédire.

Pétaud, étant parvenu à l’âge de vingt-cinq ans, jugea à propos de se marier à sa fantaisie ; il s’embarrassa peu des promesses de ses père et mère, et épousa, sans leur consentement, une jeune fille extrêmement jolie, dont il était devenu fort amoureux. Elle n’était que la fille d’un riche fermier ; mais quoiqu’elle eût épousé le fils du roi, son bon naturel l’empêcha d’être vaine, c’est-à-dire sotte.

Le roi, père de Pétaud, irrité du mariage de ce prince, ne put refuser à Gangan de venger l’affront qu’il leur faisait à tous deux : il déshérita ce prince, lui défendit de jamais paraître à sa cour et le réduisit à sa légitime, que l’on fixa à une terre assez considérable dont son beau-père avait été le fermier. Toute la grâce qu’on lui accorda fut d’ériger cette terre en souveraineté, avec la permission de porter le titre de roi et de Majesté. Peu de temps après sa disgrâce, son père mourut, et sa mère, ayant obtenu la régence, ne