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maine : la musique, la danse et la chasse… Et telle était, assure-t-on, la prédilection des fées pour le plaisir de Diane, que, sortant de leur région, elles faisaient ici-bas des cavalcades périodiques, afin d’essayer sur notre gibier leurs flèches enchantées…

« … Une hiérarchie traditionnelle divisait la race féerique en quatre espèces principales : la fée, placée au-dessous de l’ange ; le sylphe, au-dessous de la fée ; le lutin, au-dessous du sylphe ; le gnome, au-dessus du démon.

« Ces quatre espèces, Shakespeare les a symbolisées dans son drame par quatre créations impérissables. Le gnome, c’est Caliban ; le lutin, c’est Puck ; le sylphe, c’est Ariel ; la fée, c’est Titania.

« Ici, une autre question surgit. Entre le monde invisible et l’homme les communications étaient-elles possibles ?

« Le moyen âge le croyait… L’homme pouvait exercer son action sur les esprits de tous ordres. Mais cette action même était qualifiée diversement selon la nature des esprits auxquels l’homme s’adressait.

« Remarquez bien ici la distinction. Quand l’homme avait recours aux esprits de ténèbres, il pratiquait la magie noire. Quand il se mettait en rapport avec des esprits de lumière, il exerçait la magie Hanche. Dans le premier cas, il était sorcier ; dans le second, il était enchanteur[1]… »

Nous n’irons pas plus loin. Nous ne descendrons pas plus avant dans cette théorie en spirale du monde féerique, qui n’est pas exempte de lacunes, et dont plus d’un degré disparaît, enveloppé de l’obscurité systématique. Mais nous avions le devoir de faire entendre à nos lecteurs quelques fragments de cette histoire de la légende, pleine de tableaux et de portraits charmants, de cette dissertation brillante et sonore, harmonieuse et colorée comme une symphonie, qui séduit l’imagination, si elle ne satisfait pas toujours la raison. C’est une cosmogonie tracée d’une main pleine de virtuosité et digne de la main paternelle, qui, s’abaissant un jour jusqu’à la construction de ces petites genèses féeriques, lançait, animée du souffle puissant et doux qui peut mouvoir tour à tour les infiniment grands et les infiniment petits, cette généalogie de la reine Mab, bulle de savon irisée de toutes les couleurs et de tous les rayons du prisme fantastique :

« Prométhée, créateur d’homme et créateur d’esprit, est père d’une dynastie de Dives dont les vieux fabliaux ont conservé la filiation, Elfe, c’est-

  1. Œuvres complètes de W. Shakespeare, François-Victor Hugo traducteur, Tome II ; les Féeries, Introduction, p. 8 à 43. (Pagnerre, éditeur 1879 in-8²