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vait pas été la maîtresse ; aussi, pendant toute la route, elle tint les yeux baissés, et elle eut une grande honte. La bonne femme lui jeta un coup d’œil sévère.

« Ma fille, lui dit-elle, vous n’avez pas bien fait de séparer le prince de son père ; quelque injuste qu’il soit, il ne doit point le quitter.

— Ah ! Madame, lui répondit le prince, ne trouvez pas mauvais que j’aie la douceur de vous suivre ; je respecte le roi mon père : mais je m’en serais cent fois allé sans la vertu, la bonté et la tendresse de la reine ma mère, qui m’ont toujours retenu. »

En achevant ces paroles, ils se trouvèrent devant un beau palais, où étant descendus, madame Tu-tu vint au-devant d’eux. C’était la plus jolie personne du monde, jeune, vive, gaie. Elle leur fit cent honnêtetés et leur avoua que c’était elle qui leur avait fait tous les plaisirs qu’ils avaient eus dans leur vie, et qui leur avait donné de même la cerise, l’azerole et l’amande, dont la vertu était finie, puisqu’elle les avait auprès d’elle.

S’adressant particulièrement au prince, elle lui dit qu’elle avait entendu parler mille fois des déplaisirs que son père lui avait faits, qu’elle l’avertissait d’avance qu’il ne l’accusât pas du mal qui lui pourrait arriver ; qu’à la vérité elle lui faisait bien quelques malices, mais que c’était là tout au plus où pouvait aller sa vengeance.

Après cela, elle les assura qu’ils seraient tous très heureux chez elle ; qu’ils auraient des troupeaux à garder, des houlettes, des arcs, des flèches et des lignes ; qu’ils se divertiraient à cent plaisirs différents. Elle leur donna des habits de bergers d’une gentillesse infinie, et au prince comme aux