Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après avoir établi ainsi le caractère éclectique, cosmopolite, de la littérature féerique formée d’un fonds commun, fécondé par des alluvions successives et des importations indiennes, arabes, germaniques, l’ingénieux critique n’a pas de peine à faire justice du système exclusif des celtomanes, qui veulent attribuer à la féerie française une origine exclusivement nationale, celtique, alors qu’il est démontré, au contraire, que cette littérature soi disant originale n’est qu’un tissu d’imitations, et que, dans la composition de sa trame multicolore, les fils de provenance bretonne entrent certainement pour la plus petite part. S’autorisant des aveux de Mlle L’Héritier, dont il réimprime la Lettre sur ce sujet, il démontre que les auteurs de contes de fées au dix-septième siècle, Perrault tout le premier, ont emprunté plus d’un des canevas légendaires qu’ils ont brodés aux lais et fabliaux du moyen fige, aux récits des trouvères et des troubadours, et à la populaire Bibliothèque bleue, alimentée par ce Pentamerone qui a été comme le répertoire, le recueil par excellence, de la littérature féerique en Espagne et en Italie, avant que la traduction des Mille et une Nuits, publiée par Galland seulement de 1704 à 1717, c’est-à-dire postérieurement aux contes de Perrault et de Mme d’Aulnoy, eut ouvert à leurs imitateurs les sources du merveilleux oriental.

« Les contes de fées furent importés en Europe par les troubadours et les trouvères et eurent bientôt dans les châteaux un succès plus complet que les chansons de geste et les romans-poèmes. Le récit était court ; une moralité facile à saisir s’y rattachait et l’auditeur pouvait garder dans sa mémoire, pour le reproduire à son gré, ce conte qui avait captivé son attention.

« Le conte fit donc partout échec au roman. Aussi retrouvons-nous les mêmes familles de contes en des pays fort opposés. Wolfram d’Eschenbach entretenait la cour de Saxe, à la Wartburg, des mêmes contes qui avaient ému la cour seigneuriale du Léonnois, et qu’admiraient les nobles chevaliers de Milan ou de Ferrare.

IV

De l’exposition des théories du baron Walckenaër et de Charles Giraud sur l’origine des fées, de la féerie, l’inspiration et les sources de la littérature féerique, nous passons au système, ou plutôt au tableau, car il peint plus qu’il ne prouve,