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Tarare prit ce temps pour lui en mouiller les tempes et les paupières. Dès que cela fut fait, elle les ouvrit ; et, Tarare ayant fait ouvrir toutes les portes, le peuple fut témoin du miracle, et le célébra par mille acclamations. On voyait ses yeux aussi brillants que jamais ; mais on les voyait avec si peu de danger, qu’un enfant d’un an l’aurait lorgnée tout un jour sans en sentir que du plaisir.

Tarare baisa le bas de sa robe pour lui en faire le premier compliment, et se retira sous prétexte d’en porter la nouvelle au calife : mais il suivait les mouvements de son cœur qui l’entraînait vers sa charmante Fleur d’Épine.

La nouvelle de son retour et du miracle qu’il avait produit se répandant bientôt partout, il fallut céder à la nécessité de voir le calife avant sa maîtresse.

Le bon prince pensa devenir fou de joie quand il sut que les yeux de sa fille n’étaient plus méchants, quoiqu’ils fussent aussi beaux que jamais ; mais quand Tarare, après lui avoir mouillé les yeux, lui eut rendu la vue, il ne parut pas si aise de revoir la clarté du jour, qu’il parut reconnaissant envers celui qui la lui rendait. Il se mit à genoux devant lui, voulut lui baiser les pieds ; et, après quelques autres transports qui convenaient moins à sa majesté qu’à sa reconnaissance, il voulait sur-le-champ le ramener à sa fille, afin qu’elle le choisît pour époux, et que le mariage se fit dès ce jour, protestant devant son conseil qu’il ne serait jamais content qu’il ne vît son palais tout plein de petits Tarares.

Le conseil du calife fut sur le point de répéter les petits Tarares, comme il avait fait le grand ; mais il se souvint qu’il l’avait défendu dans un article de son précédent traité.

Tandis que le calife court chez sa fille, Tarare ne peut se