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dérer le portrait de Luisante, qu’il devait porter avec lui le lendemain.

Il s’aperçut que son admiration pour cette beauté merveilleuse était mêlée de quelque trouble ; il lui dit ce qu’il fallait pour la rassurer ; et elle compta pour beaucoup l’assurance qu’il lui donna de partir sans voir l’original de ce portrait.

La femme more eut bientôt démêlé les sentiments qu’ils avaient l’un pour l’autre. Elle n’en cacha point sa pensée à la sénéchale, qu’elle fut chercher, et qui lui avait fait confidence de sa bonne volonté pour Tarare.

Mais, avant qu’elle pût parler, la sénéchale s’était hâtée de lui apprendre que son cœur venait d’être un peu déchiré d’un côté par la tendresse, et de l’autre par la gloire ; que, quoiqu’elle eût éprouvé plus d’une fois que l’amour rend toutes les conditions égales, cependant, dans un poste où son élévation attirait les yeux de tout le monde, elle avait eu de la peine à se déterminer ; mais qu’après y avoir bien songé, elle trouvait qu’une sénéchale pouvait sans honte épouser son écuyer, principalement quand il revenait couvert de gloire.

Ce fut après cette harangue que sa confidente lui dit qu’elle trouverait un peu de mécompte dans l’honneur qu’elle lui voulait faire ; elle lui apprit ensuite tout le détail de ses soupçons au sujet de cette jeune personne.

Voilà d’abord la jalousie qui s’empare de la veuve : elle était de toutes les veuves la plus violente dans ses passions ; et, de toutes les Mores, sa confidente était la plus noire. C’était en leurs mains qu’on avait mis la pauvre Fleur d’Épine : il y parut bientôt.