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à une gelinotte, deux perdrix rouges et un faisan, qui se trouvèrent un peu trop attentifs. Il se mit à les accommoder pour le souper de Fleur d’Épine ; car, quoique Pinson fût prince, Tarare était cuisinier quand il voulait, et tout des meilleurs : il ne faut pas demander s’il fit de son mieux dans cette occasion.

À son retour, Fleur d’Épine s’éveilla ; et à son réveil elle fut servie. Elle ne parut pas insensible à ses soins, et son empressement dans cette rencontre ne lui fut pas indifférent. Il lui conta comment le hasard lui avait fourni de quoi lui faire ce petit repas. Elle eut pitié des pauvres oiseaux que l’amour de la musique avait trahis ; mais elle ne laissait pas d’en manger en les plaignant. Elle voulut savoir ce qu’il avait fait tout le temps qu’elle avait dormi. Ses tablettes étaient encore auprès d’elle ; il ne fit que les ouvrir. Elle les prit ; et, quoiqu’elle rougît, elle relut deux ou trois fois ce qu’elle y trouva. Elle lui dit qu’elle n’osait louer, autant qu’ils le méritaient, des vers qui la louaient beaucoup trop : lui de protester qu’ils ne la louaient pas assez, et de prendre ses charmes à témoin qu’il en sentait mille fois plus qu’il ne pourrait exprimer ni en prose, ni en vers.

« Tarare, dit la modeste Fleur d’Épine, si je voulais me chagriner par de justes réflexions, je vous dirais que votre sincérité m’est un peu suspecte. Je me connais, et je sais que je n’ai qu’autant d’agréments qu’il en faut pour n’être pas absolument laide. Mais puisqu’une prévention si favorable pour moi vous aveugle, je n’ai garde de vous ouvrir les yeux sur mille défauts que j’ai, et que je voudrais ne pas avoir pour être digne de ce que vous dites, et de ce que vous m’assurez que vous pensez. »