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crifiée à Luisante ; elle ne vous aimera que trop sans ce nouveau témoignage de votre tendresse. »

Tarare se désespérait de son affliction, mais il était charmé de ses alarmes ; et, voyant qu’elle ne cessait de pleurer : « Non, charmante Fleur d’Épine, lui dit-il avec transport, je ne vous ai point trompée en vous disant que je ne m’exposais que pour vous, et que vous me verriez plutôt mourir à vos yeux que de songer à vous sacrifier à Luisante. Votre première vue l’a chassée de mon cœur ; chaque moment vous y établit de plus en plus ; vos paroles, qui marquent si bien la délicatesse et la sincérité de vos sentiments, ont pénétré jusqu’au fond de mon âme : je voulais mourir pour vous sauver, jugez si c’est pour une autre que je veux vivre. Ayez donc l’esprit en repos sur mon dessein ; souffrez que je tienne ma parole, puisque je serais indigne de vous si j’y manquais. Sachez que nous ne saurions être en sûreté que sur les terres de Cachemire ; et comptez que s’il en est question, ce sera Luisante que je sacrifierai à l’aimable Fleur d’Épine, au péril de mille vies. »

Ce qu’on aime persuade, et l’on croit facilement ce qu’on souhaite. Tarare avait ouvert son cœur avec un empressement trop sincère et trop naturel pour laisser aucune inquiétude à Fleur d’Épine sur ses intentions ; et, dès qu’il la vit rassurée, il rendit la bride à Sonnante, qui tourna tout d’un coup sur la droite, et se mit à galoper comme ce qu’il y a de plus léger et de plus vite sur la terre. Ils arrivèrent en moins d’une demi-heure au pied d’une montagne qui paraissait inaccessible, si quelque chose pouvait l’être à la légèreté de Sonnante.

Tarare connut que c’était une de ces montagnes dont l’en-