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Pour la bonne Sonnante, elle fut si attendrie, qu’elle se mit à pleurer comme une folle : elle sanglotait à fendre les rochers les plus durs, et des larmes plus grosses que le pouce coulaient de ses beaux yeux jusqu’a terre. Pendant qu’elle menait un deuil inutile, la sorcière approchait. Ce fut alors qu’elle remua six fois l’oreille droite.

Tarare n’y trouva qu’une goutte d’eau qui pendait au bout de son doigt ; il la jeta par-dessus son épaule droite : cette goutte d’eau ne fut pas plus tôt à terre, que ce fut un fleuve, qui devint bientôt si large, qu’on l’eût pris pour un bras de mer : ses eaux étaient plus rapides que celles d’un torrent, et s’étendirent du côté que Dentue les avait poursuivis ; mais ce fut avec tant d’impétuosité, qu’elle, sa licorne et ses tigres, pensèrent s’y noyer.

Ce fut un plaisir pour Fleur d’Épine et Tarare de voir comme l’eau la poursuivait à mesure qu’elle pressait sa licorne pour la fuir.

Dès qu’on ne la vit plus, Sonnante fit un saut d’allégresse qui pensa faire tomber Fleur d’Épine. Cela donna occasion à Tarare de la serrer encore plus étroitement, comme pour la soutenir ; car, quoiqu’il ne se fût pas attendu à ce transport soudain de la jument, comme il était bon homme de cheval, il n’en fut que médiocrement ébranlé.

Les voilà donc une seconde fois délivrés des horreurs de la maudite Dentue. Tarare espérait que ce serait la dernière alarme qu’elle leur donnerait. La bonne Sonnante semblait prendre part à la tranquillité qui succédait à toutes les inquiétudes qu’ils venaient d’avoir, et elle courait d’une légèreté inconcevable. Tarare, voyant quelle allait toujours, s’avisa de l’arrêter au bout de quelque temps, pour l’infor-