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née de l’épouser, en cas qu’il réussît dans son entreprise.

Fleur d’Épine ne l’eut pas plus tôt appris, que, repoussant les mains dont il la tenait embrassée, elle se redressa, au lieu d’être penchée contre lui comme auparavant. Tarare crut entendre ce que cela voulait dire ; et, continuant son discours sans faire semblant de rien : « Je ne sais, dit-il, quelle heureuse influence avait disposé le premier penchant de la princesse en ma faveur ; mais je sentis bien que je n’en étais pas digne par les agréments de ma personne, et que je le méritais encore moins par les sentiments de mon cœur ; car je ne me suis que trop aperçu, depuis, que l’amour que je croyais avoir pour elle n’était tout au plus que de l’admiration. Chaque instant qui m’en éloignait effaçait insensiblement son idée de mon souvenir ; et, dès le premier moment que je vous ai vue, je ne m’en suis plus souvenu du tout. »

Il se tut ; et la belle Fleur d’Épine, au lieu de parler, se laissa doucement aller vers lui comme auparavant, et appuya ses mains sur celles qu’il remit autour d’elle pour la soutenir.

Ils en étaient là ; le jour commençait à paraître ; et, Tarare ayant pris le chapeau lumineux pour en soulager Fleur d’Épine, qui ne l’avait point quitté durant l’obscurité, ils ne furent plus éclairés que du faible éclat de l’aurore naissante : sa fraîcheur ranimait les fleurs, et les larmes précieuses qu’elle répandait, arrosant l’herbe des prairies, abattaient la poussière sur les grands chemins.

Mais dans le temps que la belle avant-courrière du jour ouvrait les portes de l’orient aux chevaux du soleil, la jument Sonnante se mit à hennir. Fleur d’Épine en tressaillit, et tremblante depuis les pieds jusqu’à la tête : « Ah ! dit-elle, nous sommes perdus ; la sorcière nous suit. » Tarare regarda