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« Parvenu enfin au royaume de Circassie, qui est le pays des beautés, je m’étonnai de l’avoir presque traversé d’un bout à l’autre sans en trouver qui m’eût seulement donné de l’admiration. J’en attribuai la cause au changement de gouvernement qui était arrivé dans le royaume ; et je crus que les troubles avaient pu disperser ces beautés que j’avais cru rencontrer à chaque bout de champ, de la manière qu’on m’en avait parlé.

« Je marchais un jour le long d’un fleuve qui bordait une vaste plaine ; au delà de ce fleuve s’élevait un bâtiment qui me parut assez superbe. La curiosité de le voir me prit ; je la suivis, et en y arrivant, je vis les dehors d’un château qui me parut la demeure de quelque souverain. Le dedans m’en parut assez sombre, et les habitants tristes ; cependant j’y vis plus de beautés que dans le reste de la Circassie, mais jamais il n’y en eut de plus sauvages. Celles qui me voyaient de loin me fuyaient, et celles qui ne pouvaient m’éviter, au lieu de répondre aux honnêtetés que je leur disais en les abordant, ne tournaient pas seulement la tête de mon côté. « Voilà, dis-je en moi-même, des figures auxquelles il ne manque que la parole, tant elles représentent naturellement de très belles femmes. » Je traversai je ne sais combien de galeries, sans rencontrer dans ce vaste château que des objets aussi ennuyants qu’ils paraissaient ennuyés, lorsque j’entendis de grands éclats de rire dans un appartement séparé de ces galeries. Je fus bien aise que tout ne fût pas abîmé dans la tristesse que ce lieu commençait à m’inspirer. J’entrai dans cet appartement ; et, dans la chambre où ces éclats de rire continuaient encore, je vis quatre pies, assises autour d’une table, qui jouaient aux cartes : elles ne furent