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n’avez sans doute rien qui vous doive inquiéter auprès d’un homme dont les sentiments pour vous sont tels qu’ils doivent être. Je connais tout votre mérite, car j’ose dire que personne ne s’y connaît mieux : mais je n’ose vous dire que je le sens jusqu’au fond du cœur ; il serait pourtant bien extraordinaire que cela fût autrement. Des raisons assez particulières m’ont fait quitter mon pays ; quand j’en partis, je n’avais ni projet ni dessein arrêté ; je ne savais pas trop ce que j’allais chercher par le monde ; mais je ne connais que trop à présent que c’était vous : ayez agréable que je vous amuse pendant quelques moments par ce récit. »

Fleur d’Épine, ne sachant que répondre à tant de choses qu’on lui disait à la fois, se pencha doucement contre lui, comme pour se reposer. Il aimait bien cette façon de répondre ; et, sans en attendre d’autre, il continua de cette manière :

« Je suis fils d’un petit prince dont les États sont des plus petits ; mais en récompense les sujets y sont riches, contents et fidèles.

« J’avais un frère (Dieu sait ce qu’il est devenu) : nous n’avions pas plus de six ans, quand mon père nous prit tous deux en particulier, et, nous parlant comme si nous avions eu de la raison : « Mes enfants, dit-il, comme vous êtes jumeaux, le droit d’aînesse ne saurait décider de la succession entre vous. Cependant, comme mes États sont trop petits pour être partagés, je prétends que l’un de vous deux cède ses droits à l’autre ; et, afin que celui qui aura cédé ne s’en repente pas, j’ai deux dons à vous accorder, dont le moindre pourra faire votre fortune ailleurs ; et ces dons sont l’esprit et la beauté. Mars comme il faut que ces