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la menace de l’écorcherie ; et, quand il vit qu’elle n’aboutissait qu’à porter la coiffe de sa maîtresse, il se crut sauvé.

Mais Tarare, lui ayant lié les pieds et les mains, et fourré assez de foin dans la bouche pour l’empêcher de crier, couvrit tout son corps de foin, de manière qu’on ne lui voyait que le derrière de la tête, assez proprement coiffé.

Cette cérémonie achevée, après avoir caressé Sonnante, il monta dessus, prit Fleur d’Épine devant lui, se mit en campagne, et tourna le dos au palais de la sorcière.

Quoique Sonnante fût plus vite que le vent, elle était plus douce qu’un bateau. Tarare, voulant profiter de sa vitesse, lui mit la bride sur le cou pendant une heure ; mais, jugeant qu’il avait fait cinquante lieues, il se crut assez loin pour laisser un peu prendre haleine à la jument.

Il avait raison d’être content, après avoir mis à fin une si terrible aventure, en délivrant ce qu’il commençait d’aimer ; il respirait sans alarmes, et ce qu’il aimait était entre ses bras sans pouvoir s’en offenser : heureuse situation pour un homme qui, ayant tenté l’entreprise pour la gloire, venait de l’achever pour l’amour ! Il n’avait plus que la crainte de ne pas plaire à ce qu’il aimait, et c’était bien assez : il était trop éclairé sur son mérite, pour se flatter d’aucun espoir sur l’agrément de sa figure ; il ne savait que trop que, sans le secours de son esprit et de son amour, il n’y avait rien en lui de fort engageant. Chaque vue de Fleur d’Épine avait redoublé sa passion, et ce n’était pas la diminuer que de tenir cette beauté entre ses bras, quoique le plus respectueusement du monde.

« Belle Fleur d’Épine, lui disait-il, sentant qu’elle tremblait encore, vous n’avez plus rien à craindre de Dentue, et vous