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aller ; mais il s’en aperçut bientôt. Il vit par la même ouverture à peu près les mêmes objets, hors que la pauvre Fleur d’Épine lui parut encore plus malheureuse : car la première fois elle ne faisait que laver les pieds de Dentillon ; mais alors le petit monstre, après lui avoir voulu faire quelques amitiés, sur le pied du prochain mariage, se mit à grogner comme un cochon de ce qu’elle avait la hardiesse de rebuter ses familiarités.

La sorcière la força de s’asseoir au coin du feu, tandis que Dentillon, étendu auprès d’elle, mit sa tête sur ses genoux, et s’endormit.

L’infortunée Fleur d’Épine n’osa témoigner l’horreur qu’elle en avait ; mais elle ne put retenir des larmes qu’il fallut encore cacher à la sorcière.

Tarare sentait toutes ses afflictions. Dentue, toujours attentive à ses sortilèges, en remuait la composition avec sa grande dent jusqu’au fond de la chaudière. Elle y jetait de temps en temps quelque nouveau poison, en répétant ce qu’elle avait dit la nuit précédente. Tarare voulut y mettre quelque chose du sien, et par l’ouverture de la cheminée il y vida son sac de sel. La sorcière ne s’en aperçut que lorsqu’elle voulut en goûter comme la première fois ; elle tressaillit, en goûta pour la seconde fois ; et, trouvant que le maléfice était gâté par un ingrédient qui n’y convenait apparemment pas, elle fit un cri si affreux., qu’on eût dit que quinze mille chats-huants avaient crié à la fois.

Elle ôta promptement son chaudron de dessus le feu, et donna un soufflet à l’innocente Fleur d’Épine, qui en pensa tomber à la renverse, en réveillant Dentillon : celui-ci lui en donna un autre pour l’avoir éveillé.