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garde à lui : il avait trouvé sa personne toute charmante ; et, à son air, il trouva qu’elle avait l’esprit naturel, l’humeur douce, le cœur sincère, et cependant l’âme assez fière. C’était trouver bien des choses en un moment ; cependant il ne s’était point trompé ; il n’eut pas de peine à deviner qui elle était.

Il passa la journée dans ce bocage comme il lui plut ; et, la nuit étant venue, il y laissa ses chèvres, et s’avança dans la plaine pour y faire quelque découverte.

Plus il allait en avant, moins il savait où il allait ; il eût erré longtemps de cette manière, si un éclat soudain de lumière ne lui eût fait découvrir une grande maison plate, à deux cents pas de lui. Cette lumière étant disparue, il ne laissa pas de parvenir, en tâtonnant, à cette maison. Il ne douta point que ce ne fût celle de la sorcière ; et, ne jugeant pas à propos de se présenter à la porte, il grimpa sur le toit le plus doucement qu’il put.

Elle n’était couverte que de paille ; et, ayant prêté l’oreille quelque temps sans rien entendre, il écarta le plus délicatement qu’il put la paille de l’endroit où il était ; et, par l’ouverture qu’il venait de faire, il vit l’horrible Dentue, qui, en marmottant quelques mots barbares, jetait des herbes et des racines dans une grande chaudière qui était sur le feu ; elle remuait tout cela en rond avec une dent qui lui sortait de la bouche, et qui avait deux aunes de long. Après qu’elle eut quelque temps tourné toutes ces drogues, elle y jeta trois crapauds et trois chauves-souris.

Cependant la sorcière mettait de temps en temps dans la chaudière un doigt qui avait un ongle presque aussi long que sa dent : c’était pour prendre de cette belle com-