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est de sang (si on peut s’exprimer ainsi à propos d’êtres d’imagination), de sang latin, mais qui a subi tour à tour un croisement celtique et un croisement arabe. C’est là l’avis de MM. Alfred Maury, Le Roux de Lincy, Ch. Giraud, mais ce n’est pas du tout celui du baron Walckenaër[1] L’ingénieux auteur des Lettres sur les contes de fées s’exprime à cet égard avec une netteté absolue, beaucoup trop absolue même à notre gré.

« La croyance aux fées, dit-il, était la mythologie de nos ancêtres ; c’est une production du sol de notre patrie. Elle ne nous est venue ni des Grecs ni des Romains, comme l’ont prétendu quelques savants ; elle est née dans notre France, elle nous est propre, elle nous appartient[2]. »

Plus loin, à propos de la question étymologique, l’auteur renouvelle son assertion :

« Nous inclinons à penser que ce mot de fée est purement celtique ou breton et que c’est à tort qu’on a cru pouvoir retrouver son étymologie dans la langue latine[3]. »

À l’appui de cette thèse, adressée, sous forme épistolaire et galante, à la façon de Demoustier, à une femme, l’auteur des Lettres à Amélie sur les contes de fées invoque le prestige particulier dont jouissait, auprès des Gaulois et des Germains, la femme, reine de leur foyer nomade, compagne héroïque de leurs luttes, prêtresse de leurs sacrifices, condition très différente de celle que subit toujours ailleurs un sexe considéré comme inférieur, réduit à la solitude du gynécée, écarté des affaires, admis dans la famille aux seuls travaux et aux seuls plaisirs de la maternité, et n’exerçant en public, à titre de courtisane, que le frivole ministère du plaisir et du luxe. La mythologie des fées, réparation et revanche de lois égoïstes et inégales, rachète la femme de cette tyrannie du sexe masculin, en n’admettant que l’autre aux honneurs de son panthéon, et en divinisant, sous le nom de fée, sa beauté, sa grâce et son empire.

  1. Paris, Didot, 1862.
  2. Pages 39-40.
  3. Page 58.