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Le calife le trouva fort bon. Tarare fut chargé d’une bourse de diamants brillants, et d’un demi-boisseau de grosses perles pour Serène, et se mit en chemin, malgré les regrets de madame la sénéchale.

Son voyage fut d’un mois, pendant lequel les yeux de Luisante firent plus de mal que jamais. Elle ne s’était pas accommodée de la coiffure verte : ce n’est pas qu’elle n’eût un peu amorti l’éclat de ses yeux ; mais en même temps son teint en avait pris une légère teinture, qui la mit dans une telle colère, qu’elle la jeta au nez de sa dame d’atours, après l’avoir arrachée ; et ses yeux en étaient devenus plus méchants que jamais.

Le calife faisait faire et processions et prières publiques, pour qu’il plût au ciel de regarder en pitié son pauvre peuple, ou d’empêcher que sa fille ne le regardât, quand Tarare revint ; et voici ce qu’il dit au calife, séant en son conseil :

« Sire, la magicienne Serène vous fait ses compliments ; mais elle vous remercie de votre présent, dont elle ne veut point : elle dit qu’elle a le secret de rendre les yeux de la princesse aussi traitables que ceux de Votre Majesté, sans leur rien ôter de leur éclat, pourvu que vous lui fournissiez quatre choses. — Quatre ! dit le calife ; quatre cents, si elle veut, et… — Doucement, s’il vous plaît, Sire, dit Tarare. La première de ces choses est le portrait de Luisante ; la seconde, Fleur d’Épine ; l’autre, le chapeau lumineux ; et la dernière, la jument Sonnante. — Que diable est-ce que tout cela ? dit le calife. — Je vais vous l’apprendre, Sire.

« Serène a une sœur qui s’appelle Dentue, presque aussi savante qu’elle ; mais, comme son art ne lui sert qu’à nuire,