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réduisirent dans le déplorable état où vous me trouvâtes, me faisant savoir ma naissance, la mort de mon père, celle de ma mère, et que je ne serais délivrée de ma chatonique figure que par un prince qui ressemblerait parfaitement à l’époux qu’elles m’avaient ravi. C’est vous, seigneur, qui avez cette ressemblance, continua-t-elle : mêmes traits, même air, même son de voix ; j’en fus frappée aussitôt que je vous vis ; j’étais informée de tout ce qui devait arriver, et je le suis encore de tout ce qui arrivera, mes peines vont finir. — Et les miennes, belle reine, dit le prince en se jetant à ses pieds, seront-elles de longue durée ? — Je vous aime déjà plus que ma vie, seigneur, dit la reine ; il faut partir pour aller vers votre père, nous verrons ses sentiments pour moi, et s’il consentira à ce que vous désirez. »

Elle sortit, le prince lui donna la main, elle monta dans un chariot avec lui : il était beaucoup plus magnifique que ceux qu’il avait eus jusqu’alors. Le reste de l’équipage y répondait, à tel point que tous les fers des chevaux étaient d’émeraudes, et les clous de diamants. Cela ne s’est peut-être jamais vu que cette fois-là. Je ne dis point les agréables conversations que la reine et le prince avaient ensemble : si elle était unique en beauté, elle ne l’était pas moins en esprit, et ce jeune prince était aussi parfait qu’elle, de sorte qu’ils pensaient des choses toutes charmantes.

Lorsqu’ils furent proche du château où les deux frères aînés du prince devaient se trouver, la reine entra dans un petit rocher de cristal, dont toutes les pointes étaient garnies d’or et de rubis. Il y avait des rideaux tout autour afin qu’on ne la vit point, et il était porté par des jeunes hommes très bien faits et superbement vêtus. Le prince de-