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que Migonnet me trouvât désagréable. Notre entrevue se fit sur la terrasse. Il y vint dans son chariot de feu ; jamais, depuis qu’il y a des nains, il ne s’en est vu un si petit. Il marchait sur ses pieds d’aigle et sur les genoux tout ensemble, car il n’avait point d’os aux jambes, de sorte qu’il se soutenait sur deux béquilles de diamants. Son manteau royal n’avait qu’une demi-aune de long, et traînait de plus d’un tiers. Sa tête était grosse comme un boisseau, et son nez si grand, qu’il portait dessus une douzaine d’oiseaux, dont le ramage le réjouissait ; il avait une si furieuse barbe, que les serins de Canarie y faisaient leurs nids, et ses oreilles passaient d’une coudée au-dessus de sa tête ; mais on s’en apercevait peu, à cause d’une haute couronne pointue qu’il portait pour paraître plus grand. La flamme de son chariot rôtit les fruits, sécha les fleurs et tarit les fontaines de mon jardin. Il vint à moi les bras ouverts pour m’embrasser, je me tins fort droite, il fallut que son premier écuyer le haussât ; mais aussitôt qu’il s’approcha, je m’enfuis dans ma chambre, dont je fermai la porte et les fenêtres, de sorte que Migonnet se retira chez les fées très indigné contre moi.

« Elles lui demandèrent mille fois pardon de ma brusquerie, et, pour l’apaiser, car il était redoutable, elles résolurent de l’amener la nuit dans ma chambre pendant que je dormirais, de m’attacher les pieds et les mains pour me mettre avec lui dans son brûlant chariot, afin qu’il m’emmenât. La chose ainsi arrêtée, elles me grondèrent à peine des brusqueries que j’avais faites. Elles dirent seulement qu’il fallait songer à les réparer. Perroquet et Toutou restèrent surpris d’une si grande douceur. « Savez-vous bien,