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il n’avance point, et tu ne te lasses pas de me demander de quoi travailler. — Oh ! ma bonne maman, disais-je, vous en parlez bien à votre aise ; ne voyez-vous pas que je ne sais comment m’y prendre, et que je brûle tout ? Avez-vous peur que je vous ruine en ficelle ? » Mon air de simplicité la réjouissait, bien qu’elle fût d’une humeur très désagréable et très cruelle.

« J’envoyai Perroquet dire au roi de venir un soir sous les fenêtres de la tour, qu’il y trouverait l’échelle, et qu’il saurait le reste quand il serait arrivé. En effet, je l’attachai bien ferme, résolue de me sauver avec lui ; mais quand il la vit, sans attendre que je descendisse, il monta avec empressement, et se jeta dans ma chambre comme je préparais tout pour ma fuite.

« Sa vue me donna tant de joie, que j’en oubliai le péril où nous étions. Il renouvela tous ses serments et me conjura de ne point différer de le recevoir pour mon époux ; nous prîmes Perroquet et Toutou pour témoins de notre mariage ; jamais noces ne se sont faites, entre des personnes si élevées, avec moins d’éclat et de bruit, et jamais cœurs n’ont été plus contents que les nôtres.

« Le jour n’était pas encore venu quand le roi me quitta ; je lui racontai l’épouvantable dessein des fées de me marier au petit Migonnet ; je lui dépeignis sa figure, dont il eut autant d’horreur que moi. À peine fut-il parti, que les heures me semblèrent aussi longues que des années ; je courus à la fenêtre, je le suivis des yeux malgré l’obscurité ; mais quel fut mon étonnement de voir en l’air un chariot de feu traîné par des salamandres ailées, qui faisaient une telle diligence, que l’œil pouvait à peine le suivre ! Ce chariot était accom-