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plus juste, elle vint sans que nous nous en aperçussions ; il sonna deux ou trois fois du cor, et me réjouit de quelques fanfares, puis il partit sans que je pusse même distinguer de quel côté il allait, tant l’obscurité était grande. Je restai très rêveuse ; je ne sentis plus le même plaisir que j’avais toujours pris à causer avec mon perroquet et mon chien. Ils me disaient les plus jolies choses du monde, car des bêtes fées deviennent spirituelles ; mais j’étais occupée, et ne savais point l’art de me contraindre. Perroquet le remarqua ; il était fin, il ne témoigna rien de ce qui lui roulait dans la tête.

« Je ne manquai pas de me lever avec le jour. Je courus à ma fenêtre ; je demeurai agréablement surprise d’apercevoir au pied de la tour le jeune chevalier. Il avait des habits magnifiques ; je me flattai que j’y avais un peu de part, et je ne me trompais point. Il me parla avec une espèce de trompette qui porte la voix, et, par son secours, il me dit qu’ayant été insensible jusqu’alors à toutes les beautés qu’il avait vues, il s’était senti tout d’un coup si vivement frappé de la mienne, qu’il ne pouvait comprendre comment il se passerait sans mourir de me voir tous les jours de sa vie. Je demeurai très contente de son compliment, et très inquiète de n’oser y répondre : car il aurait fallu crier de toute ma force, et me mettre dans le risque d’être mieux entendue encore des fées que de lui. Je tenais quelques fleurs que je lui jetai, il les reçut comme une insigne faveur ; de sorte qu’il les baisa plusieurs fois et me remercia. Il me demanda ensuite si je trouverais bon qu’il vînt tous les jours à la même heure sous mes fenêtres, et que, si je le voulais bien, je lui jetasse quelque chose. J’avais une bague de turquoise,