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badèrent ; puis le dragon qui avait mangé tant de personnes s’approcha en rampant. Les trois fées à qui ma mère m’avait promise s’assirent dessus, mirent mon berceau au milieu d’elles, et, frappant le dragon avec une baguette, il déploya aussitôt ses grandes ailes écaillées, plus fines que du crêpe ; elles étaient mêlées de mille couleurs bizarres : elles se rendirent ainsi à leur château. Ma mère, me voyant en l’air exposée sur ce furieux dragon, ne put s’empêcher de pousser de grands cris. Le roi la consola par l’assurance que son amie lui avait donnée qu’il ne m’arriverait aucun accident, et que l’on prendrait le même soin de moi que si j’étais restée dans son propre palais. Elle s’apaisa, bien qu’il lui fût très douloureux, de me perdre pour si longtemps, et d’en être la seule cause : car si elle n’avait pas voulu manger les fruits du jardin, je serais demeurée dans le royaume de mon père, et je n’aurais pas eu tous les déplaisirs qui me restent à vous raconter.

« Sachez donc, fils de roi, que mes gardiennes avaient bâti exprès une tour dans laquelle on trouvait mille beaux appartements pour toutes les saisons de l’année, des meubles magnifiques, des livres agréables ; mais il n’y avait point de porte, et il fallait toujours entrer par les fenêtres, qui étaient prodigieusement hautes. L’on trouvait un beau jardin sur la tour, orné de fleurs, de fontaines et de berceaux de verdure qui garantissaient de la chaleur dans la plus ardente canicule. Ce fut en ce lieu que les fées m’élevèrent avec des soins qui surpassaient tout ce qu’elles avaient promis à la reine. Mes habits étaient des plus à la mode, et si magnifiques, que si quelqu’un m’avait vue, l’on aurait cru que c’était le jour de mes noces. Elles m’apprenaient tout