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tère particulier de l’intervention des fées dans les affaires humaines, sur cette spécialité qui leur attribue le rôle d’ambassadrices du Destin aux naissances illustres, ni surtout sans avoir fait remarquer l’identité de ce rôle avec celui des Parques antiques, dont les fées, à ce point de vue, sont les traditionnelles descendantes, les immédiates héritières.

Ce sont les Parques qui président à la naissance d’Achille, suivant la mythologie antique ; et, trempé par elles dans l’eau du Styx, il ne demeure vulnérable qu’au talon par lequel on le tenait suspendu sur l’eau préservatrice. Pindare nous les montre assistant aux couches d’Evadné ; dans Ovide, nous les voyons, dans la chambre d’Althée, allumant le tison fatal auquel est attaché le sort de Méléagre ; ce sont elles qui se font, à la naissance d’Hercule, les instruments des vengeances jalouses de Jason contre Alcmène, et nous tes retrouvons encore assistant à la naissance de Bacchus.

Dans les croyances superstitieuses du moyen âge, dont les lais et les poèmes chevaleresques ont gardé la trace, ce sont les fées qui ont remplacé les Parques, plus nombreuses et plus puissantes qu’elles, mais gardant et exerçant surtout la principale de leurs attributions, celle d’influer sur le sort de l’enfant nouveau-né, de le douer de dons heureux ou funestes, suivant que les parents ont obtenu leur faveur ou encouru leur disgrâce Elles font chacune un don différent à Ogier le Danois. Trois fées dotent Brun de la Montagne dans la forêt de Brocéliande, trois fées font présent d’un beau souhait au fils de Maillefer. Les fées, suivant les légendes Scandinaves, veulent être invitées aux fêtes des naissances ; et dans la cabane comme dans le château, comme dans le palais, elles doivent trouver, sous peine de vengeance, leur table mise et leur couvert dressé dans la chambre contiguë à celle de l’accouchée, il ne manquait pas jadis, en Bretagne et en Scandinavie, de préparer ce repas d’attente et d’hommage, qu’on appelait le repas des fées. Ou se souvenait qu’une fée, mécontente de n’avoir pas été invitée, comme les autres, aux fêtes de la naissance d’Obéron, le condamna à être nain.

Dans la légende de Saint-Armentaire, composée, vers l’an 1300, par un gentilhomme provençal nommé Raymond, il est fait mention de sacrifices célébrés sur la pierre dite la Lanza de la Fada, à la fée Esterelle, qui rend les femmes fécondes.