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stromkarl, les mermaids (esprits des eaux), les bergmannschen, esprits des montagnes, les trolls, des bois et des rochers, les gnomes, les dwerfs, duergar ou nains, ceux du sol, des pierres, des cavernes dont ils gardent les trésors, les alfs ou elfs, ceux des airs et des eaux, dont il est impossible de parler sans songera à l’Oéron de Wieland, roi des Elfs, et au Roi des Aulnes (Ellfenkönig) de Goethe.

Pour en revenir à cette mythologie païenne en France, survivant, durant tout le moyen âge, et résistant sourdement à l’influence chrétienne, il nous reste à marquer le trait caractéristique de la physionomie de la fée, trait que rien n’a pu effacer, qui répond bien a l’origine historique du personnage, comme à l’origine étymologique de son nom, et qui explique son prestige et son empire sur l’imagination populaire.

C’est ici qu’on va voir combien Walter Scott s’est trompé dans son étymologie du mot fée, qu’il fait, en romancier plus qu’en historien, dériver, par un caprice inexplicable, de l’arabe péri, féri. La péri arabe, il serait facile de le démontrer, n’a rien de commun avec la fée française. Celle-ci tient bien son origine de la Parque, de là nymphe, de la prêtresse druidique. « C’est donc à la fois, dit M. Alfred Maury[1], dans le culte des Parques, et des Deæ mairæ, dans celui des bois et des fontaines aussi bien que dans le caractère accordé aux druidesses, qu’il faut chercher l’explication des attributs qui furent donnés aux fées, et la preuve que celles-ci sont nées d’un mélange dont nous avons séparé les éléments primitifs.

Ce qui le prouve, c’est que, comme les Parques, les fées, et il faut voir dans leur attribut essentiel la raison de leur crédit, président à la natalité, à la destinée des hommes, et la fixent dès leur venue au monde. C’est d’elles, de leur caprice faste ou néfaste, que dépend ce hasard de la naissance qui, au moyen âge, était tout, puisqu’il assurait aux uns, les favorisés, la fortune, le pouvoir, le bonheur, et aux autres, les disgraciés, les déshérités, la pauvreté, la servitude, le malheur.

Ce hasard de la naissance, qui joue encore un si grand rôle dans la destinée humaine, en jouait un tel, à cette époque, que l’envie, la crainte, l’espérance des humbles, des simples, des naïfs, l’avaient

  1. Les Fées au moyen âge, recherches pour la mythologie gauloise. Paris, 1843, p, 213.