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eu de m’informer de ce qu’il lui dit dans ces premiers moments, je n’ai trouvé personne qui m’en ait bien éclaircie.

La princesse ne s’embarrassa pas moins dans ses réponses ; mais l’amour, qui sert souvent d’interprète aux muets, se mit en tiers, et persuada à l’un et à l’autre qu’il ne s’était jamais rien dit de plus spirituel : au moins ne s’était-il jamais rien dit de plus touchant et de plus tendre. Les larmes, les soupirs, les serments, et même quelques souris gracieux, tout en fut. La nuit se passa ainsi ; le jour parut sans que Désirée y eût fait aucune réflexion, et elle ne devint plus biche. Elle s’en aperçut. Rien n’est égal à sa joie : le prince lui était trop cher pour différer de la partager avec lui ; au même moment elle commença le récit de son histoire, qu’elle fit avec une grâce et une éloquence naturelle qui surpassait celle des plus habiles.

« Quoi ! s’écria-t-il, ma charmante princesse, c’est vous que j’ai blessée sous la figure d’une biche blanche ! Que ferai-je pour expier un si grand crime ? Suffira-t-il d’en mourir de douleur à vos yeux ? » Il était tellement affligé, que son déplaisir se voyait peint sur son visage. Désirée en souffrit plus que de sa blessure ; elle l’assura que ce n’était presque rien, et qu’elle ne pouvait s’empêcher d’aimer un mal qui lui procurait tant de bien.

La manière dont elle lui parla était si obligeante, qu’il ne put douter de ses bontés. Pour l’éclaircir à son tour de toutes choses, il lui raconta la supercherie que Longue-Épine et sa mère avaient faite, ajoutant qu’il fallait se hâter d’envoyer dire au roi son père le bonheur qu’il avait eu de la trouver, parce qu’il allait faire une terrible guerre pour tirer raison de l’affront qu’il croyait avoir reçu. Désirée le pria