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Il faut qu’une méchante fée me prenne en aversion le jour de ma naissance et trouble tous ceux de ma vie ! » Elle se prit à pleurer ; Giroflée la consola, et lui fit espérer que dans quelque temps ses peines seraient changées en plaisirs.

Le prince revint vers sa chère biche dès qu’il eut trouvé une fontaine ; mais elle n’était plus au lieu où il l’avait laissée. Il la chercha inutilement partout, et sentit autant de chagrin contre elle que si elle avait dû avoir de la raison. « Quoi ! s’écria-t-il, je n’aurai donc jamais que des sujets de me plaindre de ce sexe trompeur et infidèle ? » Il retourna chez la bonne vieille, plein de mélancolie : il conta à son confident l’aventure de Bichette, et l’accusa d’ingratitude. Becafigue ne put s’empêcher de sourire de la colère du prince ; il lui conseilla de punir la biche quand il la rencontrerait. « Je ne reste plus ici que pour cela, répondit le prince, ensuite nous partirons pour aller plus loin. »

Le jour revint, et avec lui la princesse reprit sa figure de biche blanche. Elle ne savait à quoi se résoudre, ou d’aller dans les mêmes lieux que le prince parcourait ordinairement, ou de prendre une route tout opposée pour l’éviter. Elle choisit ce dernier parti, et s’éloigna beaucoup ; mais le jeune prince, qui était aussi fin qu’elle, en usa tout de même, croyant bien qu’elle aurait cette petite ruse ; de sorte qu’il la découvrit dans le plus épais de la forêt. Elle s’y trouvait en sûreté, lorsqu’elle l’aperçut : aussitôt elle bondit, elle saute par-dessus les buissons, et, comme si elle l’eût appréhendé davantage à cause du tour qu’elle lui avait fait le soir, elle fuit plus légère que les vents ; mais, dans le moment qu’elle traversait un sentier, il la mire si bien, qu’il lui enfonce une flèche dans la jambe. Elle sentit une douleur violente, et,