Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joie l’heure de se retirer ; elle tourna ses pas vers la maison où Giroflée l’attendait impatiemment. Dès qu’elle fut dans sa chambre, elle se jeta sur le lit haletante : elle était tout en nage. Giroflée lui fit mille caresses ; elle mourait d’envie de savoir ce qui lui était arrivé. L’heure de se débichonner étant arrivée, la belle princesse reprit sa forme ordinaire ; jetant les bras au cou de sa favorite : « Hélas ! lui dit-elle, je croyais n’avoir à craindre que la fée de la fontaine et les cruels hôtes des forêts ; mais j’ai été poursuivie aujourd’hui par un jeune chasseur, que j’ai vu à peine, tant j’étais pressée de fuir : mille traits décochés après moi me menaçaient d’une mort inévitable, j’ignore encore par quel bonheur j’ai pu m’en sauver. — Il ne faut plus sortir, ma princesse, répliqua Giroflée : passez dans cette chambre le temps fatal de votre pénitence ; j’irai dans la ville la plus proche acheter des livres pour vous divertir, nous lirons les contes nouveaux que l’on a faits sur les fées, nous ferons des vers et des chansons. — Tais-toi, ma chère fille, reprit la princesse, la charmante idée du prince Guerrier suffit pour m’occuper agréablement ; mais le même pouvoir qui me réduit pendant le jour à la triste condition de biche me force, malgré moi, de faire ce qu’elles font : je cours, je saute et je mange l’herbe comme elles ; dans ce temps-là une chambre me serait insupportable. » Elle était si harassée de la chasse, qu’elle demanda promptement à manger ; ensuite ses beaux yeux se fermèrent jusqu’au lever de l’aurore. Dès qu’elle l’aperçut, la métamorphose ordinaire se fit, et elle retourna dans la forêt.

Le prince, de son côté, était venu sur le soir rejoindre son favori. « J’ai passé le temps, lui dit-il, à courir après la