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il ne vous arrive quelque accident : je vous en offre une bien pauvre, mais au moins elle met à l’abri des lions. » Il la remercia, et lui dit qu’il était avec un de ses amis, qu’il allait lui proposer de venir chez elle. En effet, il sut si bien persuader le prince, qu’il se laissa conduire chez cette bonne femme. Elle était encore à sa porte, et, sans faire aucun bruit, elle les mena dans une chambre semblable à celle que la princesse occupait, si proches l’une de l’autre qu’elles n’étaient séparées que par une cloison.

Le prince passa la nuit avec ses inquiétudes ordinaires. Dès que les premiers rayons du soleil eurent brillé à ses fenêtres, il se leva, et, pour divertir sa tristesse, il sortit dans la forêt, disant à Becafigue de ne point venir avec lui. Il marcha longtemps sans tenir aucune route certaine ; enfin il arriva dans un lieu assez spacieux, couvert d’arbres et de mousses. Aussitôt une biche en partit, il ne put s’empêcher de la suivre : son penchant dominant était pour la chasse ; mais il n’était plus si vif depuis la passion qu’il avait dans le cœur. Malgré cela, il poursuivit la pauvre biche, et de temps en temps il lui décochait des traits qui la faisaient mourir de peur, quoiqu’elle n’en fut pas blessée : car son amie Tulipe la garantissait, et il ne fallait pas moins que la main secourable d’une fée pour la préserver de périr sous des coups si justes. L’on n’a jamais été aussi lasse que l’était la princesse des biches : l’exercice qu’elle faisait lui était bien nouveau ; enfin elle se détourna à un sentier si heureusement que le dangereux chasseur, la perdant de vue, et se trouvant lui-même extrêmement fatigué, ne s’obstina pas à la suivre.

Le jour s’étant passé de cette manière, la biche vit avec