Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le bonheur d’éviter les tigres et les ours, je suis certaine que la peur suffit pour me tuer. Et ne croyez pas, au reste, ma chère princesse, que je regrette la vie par rapport à moi ; je la regrette par rapport à vous. Hélas ! vous laisser dans ces lieux dépourvue de toute consolation ! se peut-il rien de plus triste ? » La petite biche se prit à pleurer, elle sanglotait presque comme une personne.

Ses larmes touchèrent la fée Tulipe, qui l’aimait tendrement ; malgré sa désobéissance, elle avait toujours veillé à sa conservation, et, paraissant tout à coup : « Je ne veux point vous gronder, lui dit-elle ; l’état où je vous vois me fait trop de peine. » Bichette et Giroflée l’interrompirent en se jetant à ses genoux : la première lui baisait les mains, et la caressait le plus joliment du monde ; l’autre la conjurait d’avoir pitié de la princesse, et de lui rendre sa figure naturelle. « Cela ne dépend pas de moi, dit Tulipe ; celle qui lui fait tant de mal a beaucoup de pouvoir ; mais j’accourcirai le temps de sa pénitence ; et, pour l’adoucir, aussitôt que la nuit laissera sa place au jour, elle quittera sa forme de biche ; mais à peine l’aurore paraîtra-t-elle qu’il faudra qu’elle la reprenne, et qu’elle coure les plaines et les forêts comme les autres. »

C’était déjà beaucoup de cesser d’être biche pendant la nuit : la princesse témoigna sa joie par des sauts et des bonds qui réjouirent Tulipe. « Avancez-vous, leur dit-elle, dans ce petit sentier : vous y trouverez une cabane assez propre pour un endroit champêtre. » En achevant ces mots, elle disparut. Giroflée obéit, elle entra avec Bichette dans la route qu’elles voyaient, et elles trouvèrent une vieille femme assise sur le pas de sa porte, qui achevait un panier d’osier