Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noux ; sa maigreur était affreuse ; son nez, plus crochu que celui d’un perroquet, brillait d’un rouge luisant ; il n’a jamais été de dents plus noires et plus mal rangées ; enfin elle était aussi laide que Désirée était belle.

Le prince, qui n’était occupé que de la charmante idée de sa princesse, demeurai transi et comme immobile à la vue de celle-ci ; il n’avait pas la force de proférer une parole, il la regardait avec étonnement, et, s’adressant ensuite au roi : « Je suis trahi, lui dit-il ; ce merveilleux portrait sur lequel j’engageai ma liberté n’a rien de la personne qu’on nous envoie ; l’on a cherché à nous tromper, l’on y a réussi, il m’en coûtera la vie. — Comment l’entendez-vous, seigneur ? dit Longue-Épine ; l’on a cherché à vous tromper ? Sachez que vous ne le serez jamais en m’épousant. » Son effronterie et sa liberté n’avaient pas d’exemple. La dame d’honneur renchérit encore par-dessus. « Ah ! ma belle princesse, s’écriait-elle, où sommes-nous venues ? est-ce ainsi que l’on reçoit une personne de votre rang ? Quelle inconstance ! quel procédé ! Le roi votre père en saura bien tirer raison. — C’est nous qui nous la ferons faire, répliqua le roi : il nous avait promis une belle princesse, il nous envoie un squelette, une momie qui fait peur. Je ne m’étonne plus qu’il ait gardé ce beau trésor caché pendant quinze ans : il voulait attraper quelque dupe ; c’est sur nous que le sort est tombé, mais il n’est pas impossible de s’en venger.

— Quels outrages ! s’écria la fausse princesse ; ne suis-je pas bien malheureuse d’être venue sur la parole de telles gens ? Voyez que l’on a grand tort de s’être fait peindre un peu plus belle que l’on n’est ! Cela n’arrive-t-il pas tous les